Thierry CABOT

Te vois-tu ? mon parterre à l’ignoble figure !

Te vois-tu ? déjà seul et fertile en douleurs !

Car le temps, ce venin somptueux d’envergure,

Dès la semaine enfuie, a ravagé tes fleurs.

J’en avais pourtant mis de toutes les couleurs,

Des lys partout, des lys que juillet transfigure ;

Ils fredonnaient si bien parmi les vents siffleurs,

Ils crépitaient si bien d’un feu de bon augure.

Et bientôt quel gâchis ! quel spectacle éhonté!

Chaque fleur comme une âme au velours insulté,

Exhale le poison des caresses fatales.

Mais ne serais-je pas moi-même un songe-creux ;

Une ombre qui ployant dans son jardin peureux

Va, fantôme erratique, effleurer deux pétales ?

Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"

Fascination

Soûle, virevoltant près de la palissade,

Sa jupe fastueuse agaçait l'air maussade.

C'était jadis, naguère, ou bien le mois dernier ;

Et d'elle devenu comme le prisonnier,

Moi j'étouffais jusqu'à mon nom et mon histoire.

Le rire dans ses yeux vibrant, folle victoire,

Tout en liserés bleus, tout en prodiges verts,

D'un flamboiement d'écume, embrassait l'univers.

Je contemplais encore - avec quels dithyrambes ! -

L'adorable jeu vif de ses hautaines jambes

Qui face à mon regard toujours plus fasciné,

Eussent fait naître l'aube au coeur du condamné.

Et devant les parfums dont bientôt par magie

Fleurissait à sa nuque, extrême, l'énergie,

Autre éloge muet sur mes cils épandu,

Je me sentais vingt fois et fragile et perdu.

Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"