Au loin déjà, les barques muettes
Comme en bijou l’extase qui vient,
A la nuit blonde, accole ses lèvres,
Et comme flotte avec d’amples fièvres
Un absolu presque diluvien.
Quelle touffeur mêlée à l’espace !
Il fait si chaud, même après minuit.
Ton parfum clair, ma belle de nuit,
Devant mon cœur, et passe… et repasse…
La longue berge ineffablement
Voit s’élever des caresses d’ailes,
Et l’onde mauve aux larmes fidèles
Sans cesse dit notre enchantement.
Eveils soyeux, libre apothéose ;
Nous devenons ce que l’homme fut :
Une harmonie, un songe à l’affût
Que baigne ici l’amour virtuose.
Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"
La vraie douleur
Touche-la des yeux la douleur, la vraie
Qui ne dit pourquoi ni même comment
Elle court, hagarde, ainsi que l'ivraie
Sur les champs honnis de l'effondrement.
Sans milieu, sans bords, quelle est donc sa forme ?
Trop de nuits l'ont vue étreindre ton cou ;
Car toujours semblable, elle se transforme
Et d'une ivre dent, te mord tout à coup.
Silence infécond, Babel triste, triste ;
A peine sens-tu que le monde existe
Dans tes habits froids si mal rapiécés.
Le hideux sanglot dont s'enfle ta gorge
A su défleurir les émois passés.
Quand, le chant naïf d'un seul rouge-gorge ?
Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"