Ecoute encore sur ma joue
Battre le flux et le reflux
D’un oiseau tiède qui rejoue
Ce qui bientôt ne sera plus.
Vois déjà mourir à mes lèvres
Comme un trop fugitif baiser,
L’heure en porcelaine de Sèvres
Que l’heure qui suit va briser.
Découvre, décèle, devine
Toutes les failles dont mon front
Quelquefois soûl d’une eau divine,
Porte la blessure et l’affront.
Nous ouvrons tous le même livre
Et nous le fermons tous… mais quand ?
Est-il jamais simple de vivre
A compter chaque être manquant ?
C’est moi, c’est toi, c’est nous, personne.
Nos destins se ressemblent tant.
Tant que déchiré j’en frissonne,
Tant que j’en ai le cœur battant.
D’abord poupon jailli des brumes,
La vie étrange a la couleur
De somptueux rêves de plumes
Au nid du jour ensorceleur.
Enfant plus tard, l’aube s’entrouvre.
Les pas conquièrent d’autres cieux,
Et nous réinventons le Louvre
A la lumière de nos yeux.
L’adolescence alors venue,
L’idéal gifle le réel
Sans fatigue, sans retenue
Car notre monde est si cruel !
Puis jetant l’obole ou l’insulte,
Ou fraternel, ou vil et dur,
Apparaît enfin l’homme adulte
Dans son habit en clair-obscur.
Après ? Faut-il que je le dise ?
La vieillesse au bout du chemin
A laquelle avec gourmandise
La mort vorace tend la main…
Mais écoute là sur ma joue
Aux sons de l’espoir entêté,
Une promesse qui rejoue
Un air nouveau d’éternité.
Poème extrait de "La Blessure des Mots"
Mémoire de juillet
Que renaissent baignés de nitescences roses,
Les chaleureux matins sur la colline en fleurs,
Quand l'aurore dansante ouvre les yeux des roses
Et que l'été, grand peintre, y mêle ses couleurs.
Couleurs d'un beau juillet qui dans l'heure première
Joue avec les tons purs des jaunes, des carmins...
Juillet où les habits se gorgent de lumière
Et dont les parfums soûls dévalent les chemins.
Que s'allongent ensuite, ô calme ! ô sourde étreinte !
Les longs après-midi dormant près des cours d'eau,
Tandis que les corps las s'abandonnent sans crainte
A la molle saveur d'éloigner tout fardeau.
Indolence, paresse, abandon, charme d'être ;
Les regards alanguis se font plus caressants ;
Et juillet plein de gloire, ainsi que flambe un maître,
Accroche un sceau vermeil aux lèvres des passants.
Que s'allument enfin les soirs chargés de brises
Qu'au seuil de l'enjôleuse approche de la nuit,
Une musique tiède entre les ombres grises,
Effleure à la façon d'une harpe qui luit ;
Les soirs des amoureux à peine encore sages
Auxquels un baiser d'or fait toucher l'arc-en-ciel ;
Car le jour expirant, juillet, par cent messages,
Etoile chaque don jusqu'au suprême Ciel.
Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"