Je n’ai plus de mots. Les tiens n’ont plus d’âge.
Notre logis daigne à peine nous voir.
Mon feu s’est noyé dans l’eau du lavoir
Près duquel sonnait ton doux bavardage.
Ce fut là, mon Dieu, que nous eûmes tant
Jour et nuit de foi, de trouble et de leurres.
Mais l’horloge a bu la flamme des heures
Sur la porte sèche à double battant.
Nous avons si mal. Rien déjà, personne !
Le silence même engourdit nos pas.
Je te cherche en vain, tu ne m’entends pas.
Seul parle l’ennui que le temps façonne.
Si nous n’étions qu’un, nous voilà bien deux
A tromper le vide énorme et funeste,
Osant un murmure, essayant un geste
Comme pour cogner un mur hasardeux.
Et l'aube meurtrie, en veuve qui souffre,
Saigne chaque fois d’un regard de moins.
Nous tournons le dos sans clef ni témoins ;
Et les songes tus ont la voix du gouffre.
Poème extrait de "La Blessure des Mots"
Eblouissement
Mon immortelle éclose aux replis d'une sente,
Mon bijou satiné, ma biche frémissante,
Afin que de toi seule un feu sût me vêtir,
Tu m'entras dans les yeux pour ne plus en sortir.
Eblouissant l'air tiède, ô Joy mystérieuse !
De ta prunelle autant sublime que rieuse,
Je te revois sans fin, je te revois toujours
Lancer des matins bleus sur le gris de mes jours.
Combien vite, ma Joy, tu m'apparus tout songe,
Toute joie où la vie à chaque élan s'allonge,
Et dont l'afflux comme exalté par ton ardeur,
Faisait jusqu'à mes doigts ruisseler la grandeur.
Contre le mal sanglant que la haine éparpille,
Ma Joy, flambait l'extase au fond de ta pupille
Avec on ne sait quoi de rebelle et de saint
Posé tel un joyau loin du monde assassin.
O brune qui m'offrait une coupe d'aurore !
O ma sève ! ô ma source inaltérable encore !
Brûlé de tant d'éclats depuis le premier jour,
Comment te dire assez les mots de mon amour ?
Poème inédit extrait de "La Blessure des Mots"